AZF, Tchernobyl, la vache folle, ou le scandale de l’amiante ont bien montré que l’introduction d’une technologie industrielle dans une société humaine pouvait produire des effets très proches ou très lointains, envers des personnes qui n’étaient pas prêtes à les accepter. La dimension universelle des enjeux ne fait plus aujourd’hui aucun doute.
Bien souvent, les experts techniciens ont soutenu la détermination des industriels et des pouvoirs publics en rassurant les usagers-citoyens sur l’innocuité des produits ou des procédés utilisés.
Cette convergence des discours est passée très souvent pour une manifestation de la vérité. Dans le courant de la dernière décennie, elle est apparue de plus en plus pour ce qu’elle est, c’est à dire une manifestation de la convergence des intérêts. Un petit nombre de personnes désignées comme responsables influencent la décision de façon plus importante qu’un grand nombre de personnes désignées comme mal informées. Et ce petit groupe maîtrise la forme de la consultation. Le moyen utilisé est la stricte limitation des contours du débat à la seule question technique. Un peu comme si lors de discussions de la préparation d’un repas seuls les chimistes avaient la parole au prétexte qu’ils sont les seuls à connaître la totalité des réactions qui se produisent entre les aliments dans les casseroles. Un repas, surtout s’il est pris en commun est bien autre chose qu’une somme d’échanges d’électrons.
Nous sommes à un moment de notre histoire où les liens entre industrie et société doivent être mis à plat.
N’importe lequel d’entre nous est le meilleur expert mondial de la qualité de sa vie privée. Ce qui n’empêche personne d’expliquer à qui que ce soit d’autre ce qui lui semble être un bon changement possible pour améliorer sa qualité de vie. Mais cela interdit formellement à quiconque de décider quel bon changement va se produire dans la vie de l’autre. Un menu proposé ne soulève aucun problème, un menu imposé, même au nom d’une soi-disant rationalité, provoque de graves aigreurs. L’histoire ancienne comme plus récente regorge de personnages qui ont voulu faire le bonheur de ceux qui n’avaient rien demandé.
Aujourd’hui, on nous propose de participer à une réflexion sur le futur de l’industrie. Cette occasion est unique et elle est sans doute le dédouanement politique de l’explosion d’AZF. La probabilité d’être entendus est faible, mais elle paraît exister. Nous le verrons. En tous cas, si l’avenir des débats sur les risques industriels peut avoir une chance d’être sérieux c’est au terme d’une profonde transformation des pratiques et des mentalités, comme par exemple :
- Neutralité réelle des pouvoirs publics.
- Acceptation par les industriels du point de vue "Humain d’abord, économique ensuite".
- Sincérité des expertises techniques, avec examen des différents impacts sociaux, culturels, sanitaires, économiques, environnementaux, psychologiques...
- Diffusion très large dans le public des expertises écrites, dessinées, ou filmées dans un langage compréhensible par tous.
- Egalité de poids entre une voix d’industriel et une voix d’habitant.
- Pour l’implantation d’une industrie, contrat précaire, renouvelable de façon explicite entre les pouvoirs publics, l’industriel et les habitants.
Et il faudra leur dire...
* Le titre est emprunté à Pablo Neruda.
|