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retour au débat sur le risque industriel

Collectif « Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs »

Avis sur le projet de débat national portant sur le « risque industriel »

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Avant-Propos


Avant tout qu’il soit rappelé que notre collectif exige :

-la fermeture définitive du site chimique de Toulouse-Sud,


ainsi qu’invite la population et les pouvoirs publics à débattre (plus largement) du type de production industrielle dont nous avons besoin et de son caractère écologiquement soutenable et socialement utile.


Dès à présent, à la lumière de la triste expérience des toulousaines et toulousains, nous pouvons pointer sur différents dysfonctionnements de notre société face à la question restreinte du risque industriel et qui sont :


-l’inefficacité des exploitants aussi bien que des pouvoirs publics à prévenir ce risque ;


-l’inopérativité des relais d’information permettant à la population de savoir comment réagir en cas d’accident industriel majeur;


-l’inopérativité des mesures d’alerte pouvant conduire à des réactions inadaptées des populations ;


-l’absence d’organisation adaptée au secours des populations dans les cas d’accidents majeurs ;


-l’impunité des industriels responsables, se traduisant par l’absence de prise en charge immédiate et intégrale des réparations et secours, laissant redouter un report de fait sur la collectivité de tout ou partie des charges y correspondant ;


-la communauté d’exposition à ces risques des salariés des entreprises concernées et des habitants des zones limitrophes, et la manifeste négligence de l’industriel à en mesurer l’ampleur comme à en assumer pleinement la responsabilité et en tirer les conséquences.


Aussi demandons-nous que priorité soit d’abord accordée en urgence aux mesures s’imposant pour le cas spécifique de Toulouse, c’est à dire la décision de fermeture définitive du Site Chimique de Toulouse-Sud, et la mise en oeuvre dans les délais les plus rapides des mesures de réparation assurant la sécurité et le confort des populations sinistrées et celle des salariés touchés dans des conditions nécessairement meilleures que celles qui prévalaient avant l’explosion survenue le vendredi 21 septembre 2001, à l’usine Grande-Paroisse, eu égard aux lourds préjudices physiques et moraux que toutes ces personnes ont dû subir, au moyen d’une procédure décrétant saisie de l’état sur les moyens financiers substantiels et avérés dont dispose l’exploitant, à savoir le groupe industriel TotalFinaElf, actionnaire majoritaire de Grande-Paroisse-Atofina.


Cette mesure est proposée inaugurer la mise en oeuvre d’un processus législatif élargi portant sur

La mesure, la transparence et la maîtrise du risque civil, et la responsabilité du risque industriel .


Dans la perspective de l’élaboration de cette législation, nous esquissons ici, différents points qui nous semblent opportuns d’être débattus, et desquels nous nous réservons l’élargissement .


Nous rappelons que la mise en oeuvre de ce débat de longue haleine, n’exempte en rien la puissance publique de s’exercer à l’encontre des responsables de la catastrophe du 21 septembre 2001, ni ne l’exempte de prendre les mesures d’urgence qui s’imposent à Toulouse aujourd’hui. Faute de quoi, les pouvoirs publics conduiraient citoyennes et citoyens à la conviction que ce débat n’aurait pour but que de les tromper ou distraire, renforçant une perte de confiance d’ores et déjà sans précédent.




Collectif «Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs»

Commission «Environnement et Sécurité du Site»



Quelques éléments toulousains en préparation au débat national sur le risque industriel.



1.Questions relatives à la mesure, à la transparence et à la maîtrise du risque civil :



a. qu’entendons-nous par risque civil ?


Aucune activité humaine n’étant exempte d’impact sur l’environnement, le risque industriel s’inscrit dans le contexte élargi d’augmentation constante de ces impacts, en particulier sur les plans humain, climatique, biologique et hydrologique.


La catastrophe de Toulouse met en perspective deux types d’impacts environnementaux : les conséquences de l’accident lui-même et celles du fonctionnement normal d’un site de production chimique cumulant les incidences sur la dégradation de la qualité de l’air, de l’eau, des sols et la santé des personnes.


Le caractère agravant de l’implantation d’un site chimique en zone urbaine très fortement peuplée s’est trouvé renforcé par une nette sous-estimation du risque qui pesait sur les populations, confinant à sa dissimulation par les pouvoirs publics et les entreprises, alors qu’ils s’est manifestement avéré insuffisament maîtrisé.


La montée en capacité de production des sites industriels concernés, malgré leur inscription à l’inventaire Seveso 2, n’a fait l’objet d’aucune information ni concertation permettant à la majorité de la population d’en évaluer la mesure et d’en influer vraiment sur les choix.


La réponse des pouvoirs publics locaux à la dénonciation de ces carrences jusqu’ici se résume dans une grande mesure à invoquer l’insuffisance des moyens de contrôles dont disposaient leurs services. Ceux-ci invoquent en particulier la législation régissant l’exploitation de sites industriels pré-existants, moins contraignante que celle portant sur les sites en création. Reste que le suivi technique au quotidien de telles installation ne s’opèrérait que sous la supervision de l’exploitant, ceci entrainant des contraventions avérés et constantes aux autorisations, limitant aux périodes de contrôle le véritable de respect de celles-ci. D’autre part en vertu des conséquences de ce drame pour les toulousaines et toulousains, rappelant que la moitié de la population active de l’agglomération travaille dans le service public, les carrences de celui-ci à prévenir d’un risque d’une telle gravité sont pour le moins préoccupantes.


Il apparaît que l’exploitation et la production en masse soient à l’origine de l’augmentation progressive des risques durant les dernières années : dans le cas de figure toulousain, les faits en constituent la démonstration. Toutefois en regard de leurs impacts potentiels, les exploitants de laboratoires opérant des manipulations sur le vivant ou sur la pharmacopée en particulier, sont beaucoup plus difficilement contrôlables, étant donné que ces activités exigent un haut niveau de spécialisation de la part des techniciens affectés à leur contrôle, font appel à des technologies sans cesse renouvelées, tout en présentant une dangerosité potentielle avérée, alors que leur multiplication en micro-entreprises les rend parfois volatiles, ou que sous prétexte de sécurité industrielle ou du droit sur la propriété intellectuelle, l’accès aux complexes des industries de pointe est rendu de plus en plus difficile.


L’impossibilité à circonscrire la dissémination d’organismes génétiquement modifiés féconds dans l’environnement relativise l’importance de l’implantation pour certains secteurs, dans le sens où l’impact peut potentiellement se diffuser à l’ensemble du biotope, quand dans le cas du site chimique meurtrier, elle s’avère un paramètre déterminant. Aussi l’approche d’une législation efficace sur le risque industriel s’annonce-t-elle d’une diversité et de difficulté excluant toute méthode d’approche exagérément normative ou rapide.


Il est à noter qu’une attention particulière à toute création d’activité soutenue ces dernière années par les pouvoirs publics, qui ont particulièrement encouragé financièrement au développement des activités chimiques et biologiques en midi-pyrénees, permettrait vraissemblablement d’identifier des entreprises valant probablement la peine de faire aujourd’hui l’objet de contrôles : l’attention à la maîtrise des impact environnementaux restant le parent pauvre des critères retenu partout pour soutenir l’économie privée ; la capacité de profit et la stimulation du taux d’activité des projets d’entreprise motivent encore aujourd’hui la subvention massive à l’économie privée non-soutenable au plan environnemental.


Il semble également utile de questionner les finalités et la part de responsabilité de la demande à laquelle répond tout système de production présentant des risques. Au plan économique, l’importance croissante des impacts et des risques et la recherche d’allègement des coûts de production crée un décallage de fond entre l’apparente rentabilité et utilité immédiate des filières, et leur incidence croissante pesant sur la seule collectivité : augmentation des coûts de retraitement des eaux, perte en valeur du foncier, incidence généralisée sur le système de santé, ici à Toulouse coûts entrainés par la catastrophe, etc.


L’objectif de maîtrise recherché ne pourra donc s’exempter d’un travail d’inventaire pour porter au-delà des risques les plus évidents sur l’ensemble des menaces, et introduire une nouvelle cohérence logique allant de la responsabilisation individuelle à la responsabilisation collective, qu’elles s’opèrent aussi bien dans le champs public que privé.


Le point essentiel qui permettrait d’engager le débat responsable à l’égard du risque civil, est la mise en oeuvre d’outils permettant l’information claire et intelligible des populations concernant celui-ci, afin de développer un nouvel équilibre économique, directement lisible au travers des prix à la consommation des différents produits et services motivant prises de risques à court et à long terme aux différents niveaux de leur élaboration, y compris ceux qu’entrainent les processus d’élimination des produits, de reconversion des sites et des activités, jusqu’à la responsabilisation pleine et entière de l’ensemble des acteurs concernés.


b. mesure du risque


Le risque civil se décline du domaine domestique au risque environnemental global à court, moyen et long terme.


Il serait donc regrettable de prétexter de la situation d’exception prévalant pour Toulouse aujourd’hui, pour réduire la question posée à la recherche des seules solution aux risques chimi-ques locaux ou similaires.


Si nous comprenons que l’accident de Grande-Paroisse-Atofina est l’aboûtissement d’un long processus de négligences, nous savons aussi qu’il faut mettre en oeuvre les moyens adaptés pour prévenir tout ce qui aujourd’hui procéderait de la même désinvolture, participant à des processus de développement fondés sur des critères exclusivement marchands menaçant de la même façon et à grande échelle l’avenir des populations.


Dans une société que nous voulons responsable, tous les niveaux d’information et de décision doivent être mobilisés afin de permettre l’identification exhaustive des risques, l’adoption de mesures de précautions qui leur soient adaptées, et l’appropriation par chacune et chacun des moyens permettant de faire face aux risques, y compris ceux estimés improbables ou imprévus...


Or, sur le cas du site chimique de Toulouse-Sud, force est de constater que l’étendue des risques encourus était et reste encore très largement méconnue par la grande majorité des toulousains.


On peut même dire que la brutale production d’informations précises, en vertu de leur caractère alarmant, va jusqu’à susciter chez beaucoup une grande incrédulité ; ici comme sur de nombreux autres sujets comme l’impact avéré des activités humaines sur l’équilibre des climats, les pratiques de dissimulation accumulées agravent la difficulté à rechercher un consensus général qui permette des mutations sociales dont l’ampleur annonce la peine à les mettre en pratique, mais tenues pourtant comme indispensables.


Prendre la mesure des risques suggère la nécessité d’en élaborer une hiérarchie, afin si possible d’en traiter en priorité les plus menaçants. Nous nous permettrons ici de proposer à titre préparatoire, une déclinaison des risques que nous estimons devoir faire l’objet de la plus grande attention :


- La France tient une place toute particulière, du fait notamment de ses choix en matière de production énergétique. Il semblerait en effet tout à fait fantaisiste de prétendre mener une réflexion objective à l’égard des risques industriels, sans attention à la place prépondérante qu’y occupe aujourd’hui l’industrie nucléaire. L’accident de Tchernobyl en 1986 a en effet démontré que le risque potentiel d’un accident nucléaire majeur menace les populations à l’échelle d’une région toute entière. Le chiffre de 80.000 personnes recevant aujourd’hui des secours de l’Etat Ukrainien suite aux conséquences de cette catastrophe, secours dont le montant vient d’être réduit pour cause de récession économique, donne la mesure assez précise de ce que vers quoi une considération insuffisante du principe de précaution à l’égard de l’avenir peut conduire.


- La chance de Toulouse de n’avoir pas été tout à fait frappée à la mesure des risques potentiels que recouvre l’architecture de son site chimique jusqu’ici, ne doit évidemment pas occulter qu’en terme de dangerosité, l’industrie chimique doive immanquablement tenir aussi une place de premier rang dans la liste des menaces civiles et environnementales accumulées par notre modèle d’économie et nos pratiques d’équipement non-soutenables.


- Du fait de leur relative jeunesse, mais pratiquement au même niveau, l’impact difficilement contrôlable des technologies de manipulation génétique, devra nécessairement compter parmi les plus urgent à évaluer, circonscrire et maîtriser.


- Vraissemblablement ces secteurs devront faire l’objet d’actions rapides et efficaces, mais aussi l’accroissement des émissions de GES provoqué par la stimulation de la demande en énergie (notamment par le recours systématique aux pratiques de mobilité individuelles et la surrenchère en consommation des services et biens d’équipement en général ), même s’il n’apparait pas toujours impliquer de menaces aussi directes sur tel ou tel point géographique ou région donnée, devra occuper une place tout aussi importante dans les arbitrages sur l’avenir industriel et celui de notre société.


S’agissant ici d’une seule esquisse indicative, cet inventaire n’est en rien exhaustif, et lorsque nous entrerons dans les prochains mois dans le détail des risques civils et industriels, les filières d’extraction et d’exploitation des matières premières, celles de la fabrication de certains biens d’équipement aussi bien civils que militaires, les impacts de la production agricole industrielle, ainsi que toute la panoplie des activités humaines requérant surrenchère dans la dépense en ressources et la dégradation de la qualité et de la sécurité de notre environnement, si caractéristi-ques de notre modèle de développement encourageant l’accélération du cycle de production-consommation, nous imposeront vraiment de nous atteler à l’amorce de mutations qui vont devoir profondément modifier nos cultures, nos pratiques et par conséquent - peut-être même s’agit-il de l’essentiel - de nos esprits.


En effet ce que nous appelons aujourd’hui le risque industriel, n’est que le symptome d’un phénomène beaucoup plus général, qui procède de la découverte des limitations des moyens de la collectivité humaine pour satisfaire à ses besoins fondammentaux dans un monde où les ressources existent en quantité limitée.


c. maîtrise du risque


Aux premières manifestations qui font suite à l’explosion de Grande-Paroisse-Atofina, des témoignages affluent et qui confirment la multiplicité des cas de figure où se trouvent tour à tour mises en cause la sécurité des populations limitrophes et celle des salariés de ces entreprises. La précarisation des emplois et le recours aux travailleurs sous-traitants ou interimaires conduisent à accentuer une gestion minimaliste de la protection des employés peu qualifiés de la part des opérateurs industriels. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais tend à s’agraver du fait du vieillisement de certaines installations construites à l’après-guerre en France, de l’encouragement des travailleurs à la mobilité, ainsi qu’à la récession qui en constitue de fait le contexte de fond.


Ces éléments portent à considérer que dans nombre de cas, le respect effectif par l’entreprise des règles de sécurité vis-à-vis des salariés pourrait certainement contribuer à améliorer sensiblement la qualité de prévention des risques y compris pour les habitants des zones proches des sites. En effet, si toutes les règles étaient respectées, les salariés à la lumière des précautions de manipulations et de procédures qui leurs seraient à tous imposées, comprendraient naturellement la dangerosité de ce qu’on efforce souvent de leur dissimuler et ne manqueraient pas d’en transformer leurs comportements courants (leurs choix d’habitat et le propos de leurs conversation avec les habitants de leur quartier de travail, par exemple). La banalisation du risque conduirait moins ou plus rarement à des situations de salariés qui, comme on l’a vu, se sont retrouvés du fait de la proximité à l’usine de leurs domicile à la fois blessés par l’explosion et en même temps mis à la rue par la destruction totale de leurs logements.


Phénomène auquel on assiste encore à Toulouse, il n’est pas rare d’entendre cette réflexion d’une stupidité confondante : «si c’était dangereux, on n’aurait pas laissé construire» ou «si c’était dangereux, on mettrait des masques», etc.


Pourtant tout l’ouest toulousain peut aujourd’hui témoigner que c’était dangereux et qu’on a construit. L’ensemble du personnel touché doit probablement s’interroger quant aux raisons qui expliquent qu’alors qu’un port du Texas tout entier a été détruit par l’explosion de mille tonnes de nitrate d’ammonium, on continue à en stocker des quantités importantes sans prendre la précaution de compartimenter les silos de son stockage, ou à défaut de les espacer suffisamment des installations de production elles-mêmes.


Le parangon de ces raisonnements simplets est certainement M. Biechlin, Directeur de Grande-Paroisse-Atofina Toulouse, qui lors de la visite des membres du SPPPI vendredi 19 octobre 2001, a conclu son intervention en expliquant que selon lui, si ce matériau était dangereux, il n’y en aurait certainement pas plus d’un million de tonnes stockées sans précautions particulières, comme aujourd’hui en France.


L’imbrication des zones d’habitation et des zones industrielles fait également problème, et doit trouver des réponses, soit par des mesures de limitation drastiques des volumes d’activité des sites industriels à des proportions soutenables, soit par l’application de véritables périmètres de sécurité imposés par la prise en considération chaque fois du risque le plus grave, en encore une fois à mesure de sa portée et en considérant ce que sa probabilité signifie, qui n’est plus ni moins que la forme argumentée, chiffrée et scientifiquement estimée de ce qui reste néanmoins un pari.


Au-delà ce modèle d’insouciance dont nous devons à tout prix sortir, se pose la question de l’estimation des moyens matériels par lesquels nous avons eu coutûme d’envisager pouvoir répondre aux risques encourus. Il n’est plus temps de simplement choisir de prendre des risques majeurs, parce que nous vivons aujourd’hui dans une société prospère, qui peut parfois absorber assez facilement les chocs de telle ou telle catastrophe.


La mesure des risques doit, si elle veut être efficace, tenir compte de l’éventualité la plus pessi-miste, c’est à dire se baser sur la conjugaison de l’accident maximal prévisible survenant dans le contexte économique et social le moins favorable. C’est ce qui devrait par prudence élémentaire conduire à douter de la pertinence du choix de la France pour l’énergie nucléaire, desquels déchets nous ignorons de fait étant donnée leur durée de vie, s’ils pourront ou non être gérés à l’avenir par des moyens aussi importants que ceux que nous pourrions aujourd’hui envisager pouvoir leur consacrer, desquels les risques quelqu’en soit le dégré de probabilité n’en demeurent pas moins une menace humaine considérable.



  1. renforcement de la responsabilité industrielle :

Les évennements de Toulouse sont très éclairants : ils témoignent d’une quasi-impunité des industriels vis-à-vis des conséquences des plus graves de négligences de leur part. L’absence de législation adaptée au délit environnemental qui permettrait notamment le cumul des condamnations pour l’évantail des infractions et délits commis, laisse redouter pour des catastrophes ultérieures, que le coût des réparations ne pèse chaque fois et pour l’essentiel et très injustement sur le contribuable.


Or, au-delà des conséquences directes de l’explosion de l’usine grande-paroisse, se profile le bilan catastrophique de l’exploitation négligente courante de ces installations industrielles : dégâts sur la qualité des eaux de la Garonne et conséquences sur la santé des populations buvant les eaux de captage en aval de Toulouse, impact sur les ressources halieutiques, sur la qualité des eaux souterraines, la qualité de l’air, sur la santé des populations des quartiers environnants, dégradation des sols, etc.


De surcroit faut-il le rappeler, ces négligences de l’exploitant ont conduit ici à un accident majeur, et devraient légitimement faire l’objet d’une jurisprudence d’exception, permettant par exemple la saisie immédiate sur ses biens mobiliers des moyens devant assurer la couverture intégrale des préjudices et réparations ; l’intervention de l’assurance industrielle pourrait s’opérer a posteriori de ces mesures, les procédures de réparation et d’indemnisation ne seraient dès lors et comme c’est le cas aujourd’hui à Toulouse, ni ralenties ni perturbées par des conflits d’ordre privé entre l’industriel et ses assureurs, dont les actionnaires sont souvent de fait ou représentés par les mêmes personnes.


Cette méthode préconnisée peut inspirer le législateur pour adopter des textes qui imposeraient légitimement la charge du crime à ses responsables et non à ses victimes comme aux autres contribuables.


a. prévention


Quelles que puissent être les mesures retenues pour améliorer la prévention des risques industriels à l’avenir, la stratégie que devra adopter la puissance publique pour y répondre devra toujours se référer plutôt à leur mesure potentiellement la plus grave et sans prétexter de leur éventuelle faible probabilité pour les négliger comme cela s’est fait à Toulouse. Le 21 septembre 2001, nous avons aussi vécu ce que peut signifier l’ignorance consécutive aux dissimulations, lorsqu’elle agrave la menace pesant d’un danger majeur pour toute une population.


De graves carrences ont été constatées à Toulouse, qui tiennent à la mauvaise volonté des pouvoirs publics, des élus, et des différents acteurs de l’information, de la concertation et de la décision, à nous tenir informés précisément, habitantes et habitants de l’agglomération quant la mesure des menaces auxquelles tous nous étions exposés.


Ceci se traduisait par :


-l’absence de publicité des informations concernant la dangerosité et le volume des matières toxi ques ou explosives traitées et stockées sur le site chimique de Toulouse sud ;


-l’absence de publicité des mesures domestiques et collectives, relatives aux procédures d’alerte et de mise en sécurité des personnes ;


-Le laxisme et la tolérance exagérée vis-à-vis des fluctuations de procédures, de modes et de volumes de traitement des matériaux dangereux, et notamment des rejets dans l’environnement par les exploitants, ceci ayant sans doute encouragé leur dangereux laxisme, vis-à-vis de la réglementation et par conséquent de la sécurité de tous ;


-L’absence de plan coordonné de prévention adapté aux risques, lorsque pourtant la concentration et le fonctionnement lié comportant échanges quasi-constants de matières dangereuses de plusieurs sites classés Seveso 2 appelaient l’élaboration d’une stratégie de prévention de haut niveau sinon européen, au moins national, et en aucun cas à la mesure des moyens développés au plan régional dans le cadre du seul Plan Particulier d’Intervention préfectoral.


Il apparaît clairement qu’un enchainement a joué associant la minimisation des risques, la négli-gence quant au suivi du contrôle de fonctionnement normal des exploitations industrielles, encourageant le développement du danger.


Les mesures de sécurité effectives prévenant l’accident étaient entièrement dévolues à la respon-sabilité des exploitants, et comme elles influaient sur la compétitivité des prix, elle ont été réduites à une proportion insuffisante pour prévenir et éviter le pire. Par ailleurs, le contrôle extérieur de la puissance publique, s’exerçait lui aussi suivant des modalités s’étant avérées impropres à éviter la catastrophe. Les moyens exécutifs dont devraient disposer les autorités de contrôle devraient sans hésitation aucune conduire à l’execution plus fréquente de mesures de contraintes de cessation de l’activité, quand la vie de tant de personnes est en jeu. Les contraventions tolérées de l’exploitant, notamment en terme de rendu des études de danger, aurait logique-ment dû conduire à la fermeture du site : espérons qu’à l’avenir ces précautions se généraliseront.


Plus en amont, la structuration des filières industrielles, la spécialisation des personnels et la pression exercée sur eux dans leur contexte de travail les conduisent à des attitudes d’enfermement qui pourraient être évitées en diversifiant le contenu des études ingénieriques, comme y invite l’association Armines, intégrant les sciences humaines, sociales et environnementales au cursus des élèves ingénieurs. Ceci ne doit plus rester un voeu pieux, afin qu’une véritable prise de responsabilité au plan humain prévale jusque dans l’exercice des hautes compétences techniques agissant dorénavant au sein des entreprises.


Mais au-delà, des carrences particulièrement graves ont été constatées dans le traitement même de la crise :


-l’absence totale de système d’alerte adapté au risque chimique;


-l’absence de plan collectif de confinement ou d’évacuation crédible et opérationnels ;


-des carrences graves dans moyens déployés pour adresser les services de secours sur le site et dans les zônes périphériques touchées ;


-l’absence totale de méthode et l’improvisation persistante dans les mesures susceptibles de porter secours aux populations sinistrées face au risque de suraccident ;


-l’absence d’organe de décision prévalant au rétablissement rapide d’un cadre normal de vie sur une grande aire urbaine et sa population.


-l’absence de moyen coercitif contraignant les responsables industriels à véritablement déployer les moyens de sécurisation et de réparation.


b. contrôle


Le bilan provisoire de la catastrophe toulousaine conduit à déplorer que sous le prétexte étonnant de ne pas affoler les populations, les responsables de l’exécutif public persistent à insuffisamment informer celles-ci et ce malgré les conséquences désastreuses qu’aurait pu entrainer l’explosion du 21 septembre si comme il était et reste encore à redouter, elle avait entrainé la dissémination d’un ou plusieurs produits chimiques dangereux dans l’air ou dans l’eau.


Sur le plan réglementaire, la cause éventuelle de ce déficit informationnel pourrait tenir au cumul des devoirs de réserve voire de secret en vigueur au sein du service public comme dans les réglements intérieurs des entreprises.


Aussi une mesure législative fixant les modalités suivant lequelles tout contractant ou fonction-naire pourrait être libéré de toute obligation de silence ou de devoir de réserve, lorsqu’en son âme et conscience, il considèrerait que les informations dont il serait détenteur lui sembleraient imposées d’être diffusées, car elles lui sembleraient susceptibles d’épargner des vies humaines doit-elle être rapidement mise en place. Cette mesure qui garantirait toute personne concernée contre toute véleité de rétortion de la part de son employeur, favoriserait sans doute dans bien des cas la prévention de catastrophes dont comme celle-ci la menace se trouverait dissimulée aux populations qui y sont exposées.


Cela dit le renforcement des contrôles et des réglementations semble désormais s’imposer. Il apparait opportun de conduire les exploitants industriels à vraiment contenir les risques aux limites de l’enceinte de leur exploitation, et pas seulement en théorie, ainsi qu’assurer la garantie du respect à cette règle sous peine d’immobilisation immédiate, intégrale et sans procédure coûteuse là encore pour le contribuable des avoirs de l’exploitant jusqu’à remboursement del’intégralité des débours et réparations y afférant.


Engagée par certains groupes, l’information des actionnaires doit permettre à court terme d’en-gager directement leur responsabilité pénale en cas d’infraction ou d’accident d’exploitation.

Ainsi seulement parviendra-t-on à véritablement sécuriser l’exploitation industrielle. Bien entendu, une telle mesure devra s’étendre aux différents niveaux exécutifs jusqu’à caractériser la responsabilité des personnes physiques elles-mêmes.


Une telle mesure de responsabilisation pénale de la personne physique de l’actionnaire permettrait en outre de prévenir les comportements d’exportation des technologies dangereuses et non-durables dans les pays pauvres.


Autre problème et non des moindres, la responsabilité de l’Etat dans la gestion d’activités mena-çant la sécurité des citoyens appelle, notamment pour le cas exemplaire du complexe SNPE-TOLOCHIMIE, à des mesures de réforme particulières. Le débat doit s’engager dans la transpa-rence pour traiter efficacement cette question complexe imbriquant modalités de décision de l’exécutif public et mise en danger de la vie des citoyens.


En interne aux entreprises relevant des directives Seveso, des procédures de renouvellement intégral, planifié et régulier de l’ensemble des matériels suivant des fréquences courantes dans les secteurs exigeant une fiabilité sans faille s’impose, et devra se substituer aux procédures actuelles de visite, d’inventaire et de contrôle quinquénaux. L’élargissement de la conformité aux normes ISO 14001 pour l’intégralité des activités de production de chaque site Seveso, sous astreinte en cas de non-respect sur une seule production à la cessation complète d’activité de l’intégralité du site, contribuerait certainement à renforcer également le suivi interne de la qualité de sécurité de gestion et d’entretien des outils de production classés.


Dans cette mesure l’accroissement du contrôle des entreprises par les pouvoirs publics pourrait se limiter en coût pour la collectivité, en fonction du volume et de la nature des exploitations, de leur localisation, augmentant ceux-ci en fréquences et en nombre, autorisant les contrôles inopinés et accroissant les contraintes à l’égard des activités traditionnelles, notamment après cession des entreprises sans modification fondammentale de leur activité. Et ainsi la charge financière de comportements dangereux pèserait plus sur ceux qui par ailleurs attendent des dividendes, et non sur la grande majorité des contribuables que ces comportements menacent sans contrepartie de profit.


Pour finir le respect par les sites de production d’une échelle, de finalités et de modalités de fonctionnement plus conformes à la maîtrise du risque encouru par leurs employés et par la population doit s’imposer, sans s’exempter d’un préalable d’information exhaustive sur tous les aspects techniques et sociaux que ces transformations recouvrent et qui aujourd’hui nous posent à tous énormément de questions.


c.repression et réparation


La catastrophe toulousaine est lourde d’enseignements. La spécificité de la loi française qui restreint la responsabilité pénale des entreprises au délit le plus grave, limite dramatiquement les moyens d’astreinte dont dispose aujourd’hui la puissance publique pour contraindre un opérateur privé à se conformer à ses lois et ordonnances et respecter l’intérêt général.


Ainsi, Grande-Paroisse-Atofina continue allègrement de polluer la Garonne, prend tout le temps d’évacuer les produits dangereux et de sécuriser complètement ses installations, s’abritant derrière l’impunité de fait que lui confère la triste responsabilité d’une explosion ayant déjà fait des milliers de victimes et des milliards de dégâts.


Le travail de la France pour améliorer la performance de son système de prévention et de responsabilisation de l’activité industrielle, peut s’il est mené avec sérieux permettre d’avancer vers une véritable réglementation internationale en matière de délit environnemental. En effet pesant fréquemment sur le devenir de plusieurs génération, l’atteinte grave à l’environnement devrait logiquement entrainer la mise en chantier d’une législation internationale excluant tout régime de prescription comme le reste encore la seule, celle qui de nos jours réprime le crime contre l’humanité.










Conclusion


Un mois à peine après la catastrophe de Toulouse, l’engagement d’un débat de fond est certainement utile. Mais il ne prend pas en compte le traumatisme vécu par les toulousaines et toulousains, qui exigent en premier lieu qu’une fermeture définitive du site chimique de Toulouse-Sud soit décidée dans les délais les plus rapides.


Monsieur le Chargé de Mission pour l’organisation d’un débat national sur le risque industriel, nous vous invitons à relayer auprès de Monsieur le Premier Ministre, la demande urgente de cette mesure de fermeture définitive ainsi que soit la dévolution directe des moyens permettant de reloger dans les meilleurs délais les toulousaines et toulousains sinistrés, soit la réquisition de ces moyens par saisie des propriétés du Groupe TotalFinaElf, qui par négligence est responsable de cette catastrophe nationale.



Témoignage individuel fourni à titre indicatif sans présomption d’accord formel ni du Collectif «Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs» ni même de sa Commision «environnement et sécurité du site», son contenu n’ayant pu faute de temps faire l’objet d’un débat.


Le lundi 22 octobre 2001.

Philippe Masson - 14, avenue Tolosane 31520- Ramonville Saint-Agne

pour la Commission «Environnement et Sécurité du Site»

du Collectif «plus jamais ça, ni ici ni ailleurs»



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