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ASSEMBLÉE GENERALE EXTRAORDINAIRE DU SPPPI

7 NOVEMBRE 2001

Suite à la catastrophe AZF du 21 septembre 2001
POINT DE VUE DU COLLECTIF " Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs"

discours prononcé par Jean Pierre Bataille



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Le 21 septembre dernier, il n’y a pas un seul d’entre nous qui n’ait pas crié après l’explosion d’AZF : " plus jamais ça ! ". Nous ne savions pas vraiment ce qui s’était passé ; mais ressurgissaient dans nos esprits l’ impuissance de ceux qui avaient lutté un jour ou l’autre contre ce site, l’irresponsabilité coupable de ceux qui fermaient les yeux devant ce site dangereux, et enfin l’ignorance et l’insouciance de la majorité des riverains de ce site.

Mais pourquoi ce cri de « plus jamais ça »?
Parce que, en notre âme et conscience, nous ne pouvions pas accepter cette folie qui n’a rien à voir avec le hasard. Dire que l’agglomération toulousaine est venue aux portes des usines est un fait. Mais la faute à qui? Et pourquoi ces usines ont-elles continué à grossir en toute impunité, pourquoi n’ont-elles jamais prévu une explosion comme celle du 21 septembre? En faisant fi de la vie des individus et en prenant les Toulousains pour otages, cette folie s’appelle la course au profit et au pouvoir. Car c’est bien cette course au profit qui a provoqué cette explosion. Profit du groupe Total et de ses actionnaires qui ne s’est jamais démenti, même après la catastrophe. Profit des collectivités locales qui encaissaient les taxes. Profit pour les sous traitants qui avaient une activité sur le site d ’AZF. Profit électoral pour beaucoup de politiciens.

Face à cela les Toulousains n’avaient pas grand chose à faire valoir, bâillonnés par les discours soporifiques et lénifiants des industriels et des politiques qui brandissaient la menace de l’emploi, l’importance du développement économique, le rôle indispensable de ces industries dans le tissu industriel.

La seule consolation que nous avons après ce triste jour c’est d’avoir évité le pire en n’ayant pas eu un "effet domino" sur la SNPE et Tolochimie. En effet c’est seulement le hasard qui a voulu que les projections de ferraille soient passées à côté des cuves de gaz toxiques et que le souffle de l’ explosion se soit en grande partie étiré parallèlement à ces usines. S’il y avait eu un dégagement toxique, jamais la population n’aurait pu être confinée dans des habitations éventrées. Les dizaines de milliers de gens qui erraient dans la rue, inquiets, désorientés, et livrés à eux-mêmes ont potentiellement échappé à une autre catastrophe. Nous sommes nombreux aussi à croire que le risque de "sur-accident" a persisté des semaines après l’explosion. Les Toulousains ont été laissés délibérément dans l’ignorance sans qu’aucune solution ne leur soit proposée. Il faudra bien que les pouvoirs publics et les exploitants des usines reconnaissent publiquement ce constat pour qu’un débat s’engage véritablement dans la confiance et la transparence des faits.

Dans une conférence de presse, les fédérations syndicales de la chimie regrettaient que se tint un débat public et disaient vouloir « démythifier l’aspect de dangerosité des industries chimiques ». Le 21 septembre est-il déjà si loin pour rappeler qu’outre les trente personnes décédées, des gens ne marcheront plus (certains sont victimes d’ hémiplégie), d’autres ne verront plus ou n’entendront plus ?

Des dizaines de mutilés (mains, membres, yeux), de sourds, d’aveugles vont devoir réapprendre à vivre avec leur lourd handicap. D’autres vont voir apparaître des problèmes de santé (physique ou mentale) et des milliers de personnes seront suivies médicalement sur plusieurs années pour surveiller les effets somatiques ( pulmonaires, ORL, ophtalmo, fausses couches, etc.), les effets liés à l’exposition aux produits toxiques libérés dans l’atmosphère ( y compris amiante et métaux lourds présents certainement dans ce nuage toxique dont on ne sait toujours pas de quoi il était véritablement constitué; où sont les analyses? ), les effets psychologiques (syndromes post-traumatiques, dépressions, décompensations liées entre autres aux difficultés sociales et aux conditions de vie dégradées après l’explosion). Des gens par centaines se retrouvent sans logement, d’autres par milliers vivent dans des appartements détruits ou des maisons dévastées ; des milliers d’autres subissent les suites sociales de cette catastrophe telles que : chômage technique, changement de travail ou de domicile, parfois de ville, rupture de couples. A cela s’ajoutent : les faillites de petites entreprises et de commerçants qui n’ouvriront plus ; l’avenir de la psychiatrie à Toulouse après la destruction de l’hôpital Marchant; le gâchis scolaire pour des milliers d’ élèves ; le gâchis universitaire pour des milliers d’étudiants ; des lycées, un collège, des écoles primaires et maternelles, une école supérieure de chimie et une faculté à reconstruire.

Nous devons garder ce triste bilan à l’esprit pour débattre sur l’avenir du pôle chimique de Toulouse.

Mais débattre de quoi si on ne s’attaque pas à la racine du mal ?

Nous avons dans nos murs une industrie chimique moribonde ou tout au moins très fragilisée par l’explosion qui ne vaut pas le tiers des quinze milliards de francs que va coûter l’explosion d’AZF. Ces entreprises chimiques à hauts risques, classées Seveso, que sont AZF, SNPE et Tolochimie ne pourront jamais nous assurer à 100% qu’un accident technologique majeur ne peut pas se reproduire.

Et personne ne veut revivre de 21 septembre.

Le collectif « Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs » exige donc, au nom de tous les sinistrés, le démantèlement de tout le pôle chimique classé Seveso du sud de Toulouse.

Nous n’engagerons le débat qu’avec des citoyens responsables qui auront répondu négativement à la question suivante : "En toute conscience, êtes-vous prêts à sacrifier toute une population pour que des entreprises à hauts risques, génératrices prévisibles d’un futur accident technologique, puissent continuer d’exister dans la ville de Toulouse?"

Si débat il doit y avoir, c’est sur les moyens que l’Etat et nos responsables politiques vont se donner pour que de telles entreprises à hauts risques ne puissent plus s’installer ou continuer d’exister ni ici, ni ailleurs, si elles doivent mettre en péril la population et si elles doivent continuer de polluer à outrance. Il ne s’agira pas là d’un « débat populiste et électoral » mais d’une prise de conscience au plus haut niveau pour donner priorité à la vie, à l’ individu face aux risques que certains font prendre à d’autres.

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