Par jeu de rôles, la Préfecture de Région et le SPPPI planifient de concert la confiscation du débat sur les risques industriels au profit des acteurs en place avant la catastrophe.
Pour Toulouse, là où lon attendait quune ouverture plus large à lexpression de lopinion publique soit inévitable, cette assemblée plénière vient démentir tout espoir à cet égard.
En effet, alors que le SPPPI nest pourtant quune instance consultative, y prédomine un esprit de clocher technocratique où la voix des simples citoyens na pas sa place.
Le Prefet dans une longue intervention a introduit la séance par un propos exhaustif justifiant laction de ses services dans la gestion de la crise. Il a reconnu toutefois que lappel au confinement de la population le jour de lexplosion avait été retenu comme la mesure "la moins mauvaise" face à une situation dexception.
Mais ce quil faut retenir de son propos, cest une auto-satisfaction dominante à peine teintée de quelques nuances de pure forme exprimées par les phrases : "tout ne peut pas être parfait" et "il y a sans doute des choses qui ont mal ou pas dutout fonctionné", un euphémisme dont la suite des débats va confirmer que les conséquences sont encore très loin dêtre intégrées.
Alors que nous demandions quen vertu du contexte particulier en vigueur à Toulouse, le débat régional sétale sur deux jours, les pouvoirs publics se sont arrangés pour intituler la partie destinée à plus ouvrir celui-ci à la voix des populations "journée dateliers préparatoires", grâce aux bons offices de Madame Cambou, Directrice démissionnaire dUminate, mais néanmoins toujours active pour garder sa place sur les tribunes officielles.
Le résultat cest que naura pour titre réel de débat régional que cette journée du 30 novembre où les incapables à prévenir et traiter la catastrophe viendront au prétexte que quelques mea culpa de pure forme, entériner leur maintient aux affaires et la poursuite de la même logique qui a pété à la figure des toulousaines et toulousains.
Confiée à la discrétion du SPPPI, lorganisation de la journée "complémentaire" sannonce une mascarade où la lecture des titres dateliers procède du noyautage le plus grossier. Il ny aura pas de débat de fond.
A part les interventions remarquées de Jean-pierre Bataille, de "plus jamais ça ni ici ni ailleurs", de Madame Meynadier, de lUnion des Comités des Quartiers Nord de Toulouse, de Madame Réal du Comité de quartier "croix-de-Pierre", et du délégue de lassociation Vie, les interventions des associations restantes ont ressemblé à des clips dauto-satisfaction des acteurs de la société civile participant depuis dix ans du SPPPI, des élus Verts en particulier ; lun dentre eux a même trouvé le moyen dintégrer des slogans électoraux de son mouvement à son intervention.
M. Farreny a contrario de ses homologue, et malgré de fortes résistances émanant de la tribune, sest néanmoins lancé dans une démonstration très instructive et éclairante sur la façon dont les pouvoirs publics ne se sont pas embarrassés avec la loi ces dernières années. Entre les patates et les haricots des périmètres de sécurité, linaction patente des autorités préfectorales alors que des textes de lois imposaient pourtant tous les cinq ans la révision des études de danger, il a très justement invité à la tenue dun procès pour désigner les responsables des blocages patents venant des pouvoirs publics.
On pourrait résumer le sens de cet après-midi dans cette phrase : " les incapables responsables de la catastrophe dAZF persistent à vouloir infantiliser la population en prétendant vouloir adopter une "démarche pédagogique" pour restreindre son temps de parole".
Le seul point positif de ces débats, au-delà des interventions citées plus haut, sera venu de lintervention dun délégué syndical de la SEMVAT, qui a invité plutôt quà organiser cette farce démagogique dun débat prétendument serein alors que la population nest même pas encore tirée du sinistre, à planifier un moratoire dici à lévacuation totale des produits dangereux de la zône chimique et le relogement effectif des sinistrés avant de prétendre prendre une décision ou mener un débat dans la sérénité.
Où se précise un état desprit qui personnellement mécoeure, cest de la part des militants verts qui sous le prétexte de lamertume de sêtre trouvé des années en première ligne sur ces questions environnementales, lui donnent libre cours pour faire procès au sinistrés de se réveiller de leur léthargie seulement au prix de la catastrophe.
On a vraiment limpression davoir affaire à ce quAlbert Camus appelait les "humanistes de bibliothèque".
A titre individuel, et au vu de la tournure de ces débats, je nai plus aucune illusion quant à lavenir ni du SPPPI (M. Savall a précisé que ses séances avaient été ouvertes au public "en vertu de la situation particulière", et le resteraient encore seulement "quelques semaines"...), ni du débat régional ou national sur les risques industriels, et ce qui est nouveau ni sur la sincérité des verts dans leur raliement au collectif "plus jamais ça ni ici, ni ailleurs". Si quelques individus dentre eux comme Henry Farreny montent au créneau pour autre chose que se satisfaire davoir tenu leur rôle dans un secrétariat sans pouvoir, mais sans pour autant adopter un regard nouveau sur ceux dont ils sont censés relayer la voix...Et si Jean-Pierre Bataille a droit de cité pour la raison invoquée par le Président du SPPPI, cest à dire pour avoir été son élève en Chimie à Rangueil, et non parce quil exprime les griefs et les revendications dau moins deux cent mille citoyennes et citoyens touchés par lexplosion de Grande-Paroîsse. Cest peut-être simple, mais jadditionne deux et deux et je ne perd plus mon temps avec ces simagrées.
Vers quoi allons-nous en effet ? vers dautres catastrophes, faute de prendre lexacte mesure dune qui pourtant nous crève les yeux. Pire, on prête main aux pouvoirs publics qui engagent des moyens pour mieux maîtriser la réaction des populations la prochaine fois, et pas le moins du monde pour lentendre aujourdhui.
Je comprend les rires et sourires permanents du directeur de la SNPE durant lessentiel des débats. Il a parfaitement raison de se sentir en toute sécurité, au vu de la largeur du consensus pour éviter de changer létat des esprits.
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