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AVIS SUR ASSEMBLÉE GENERALE EXTRAORDINAIRE DU SPPPI

du 7 NOVEMBRE 2001

Philippe Masson
Collectif "Plus jamais ça ni ici, ni ailleurs"

Par jeu de rôles, la Préfecture de Région et le SPPPI planifient de concert la confiscation du débat sur les risques industriels au profit des acteurs en place avant la catastrophe.

Pour Toulouse, là où l’on attendait qu’une ouverture plus large à l’expression de l’opinion publique soit inévitable, cette assemblée plénière vient démentir tout espoir à cet égard.

En effet, alors que le SPPPI n’est pourtant qu’une instance consultative, y prédomine un esprit de clocher technocratique où la voix des simples citoyens n’a pas sa place. Le Prefet dans une longue intervention a introduit la séance par un propos exhaustif justifiant l’action de ses services dans la gestion de la crise. Il a reconnu toutefois que l’appel au confinement de la population le jour de l’explosion avait été retenu comme la mesure "la moins mauvaise" face à une situation d’exception.

Mais ce qu’il faut retenir de son propos, c’est une auto-satisfaction dominante à peine teintée de quelques nuances de pure forme exprimées par les phrases : "tout ne peut pas être parfait" et "il y a sans doute des choses qui ont mal ou pas dutout fonctionné", un euphémisme dont la suite des débats va confirmer que les conséquences sont encore très loin d’être intégrées.

Alors que nous demandions qu’en vertu du contexte particulier en vigueur à Toulouse, le débat régional s’étale sur deux jours, les pouvoirs publics se sont arrangés pour intituler la partie destinée à plus ouvrir celui-ci à la voix des populations "journée d’ateliers préparatoires", grâce aux bons offices de Madame Cambou, Directrice démissionnaire d’Uminate, mais néanmoins toujours active pour garder sa place sur les tribunes officielles.

Le résultat c’est que n’aura pour titre réel de débat régional que cette journée du 30 novembre où les incapables à prévenir et traiter la catastrophe viendront au prétexte que quelques mea culpa de pure forme, entériner leur maintient aux affaires et la poursuite de la même logique qui a pété à la figure des toulousaines et toulousains.

Confiée à la discrétion du SPPPI, l’organisation de la journée "complémentaire" s’annonce une mascarade où la lecture des titres d’ateliers procède du noyautage le plus grossier. Il n’y aura pas de débat de fond. A part les interventions remarquées de Jean-pierre Bataille, de "plus jamais ça ni ici ni ailleurs", de Madame Meynadier, de l’Union des Comités des Quartiers Nord de Toulouse, de Madame Réal du Comité de quartier "croix-de-Pierre", et du délégue de l’association Vie, les interventions des associations restantes ont ressemblé à des clips d’auto-satisfaction des acteurs de la société civile participant depuis dix ans du SPPPI, des élus Verts en particulier ; l’un d’entre eux a même trouvé le moyen d’intégrer des slogans électoraux de son mouvement à son intervention.

M. Farreny a contrario de ses homologue, et malgré de fortes résistances émanant de la tribune, s’est néanmoins lancé dans une démonstration très instructive et éclairante sur la façon dont les pouvoirs publics ne se sont pas embarrassés avec la loi ces dernières années. Entre les patates et les haricots des périmètres de sécurité, l’inaction patente des autorités préfectorales alors que des textes de lois imposaient pourtant tous les cinq ans la révision des études de danger, il a très justement invité à la tenue d’un procès pour désigner les responsables des blocages patents venant des pouvoirs publics.

On pourrait résumer le sens de cet après-midi dans cette phrase : " les incapables responsables de la catastrophe d’AZF persistent à vouloir infantiliser la population en prétendant vouloir adopter une "démarche pédagogique" pour restreindre son temps de parole".

Le seul point positif de ces débats, au-delà des interventions citées plus haut, sera venu de l’intervention d’un délégué syndical de la SEMVAT, qui a invité plutôt qu’à organiser cette farce démagogique d’un débat prétendument serein alors que la population n’est même pas encore tirée du sinistre, à planifier un moratoire d’ici à l’évacuation totale des produits dangereux de la zône chimique et le relogement effectif des sinistrés avant de prétendre prendre une décision ou mener un débat dans la sérénité.

Où se précise un état d’esprit qui personnellement m’écoeure, c’est de la part des militants verts qui sous le prétexte de l’amertume de s’être trouvé des années en première ligne sur ces questions environnementales, lui donnent libre cours pour faire procès au sinistrés de se réveiller de leur léthargie seulement au prix de la catastrophe. On a vraiment l’impression d’avoir affaire à ce qu’Albert Camus appelait les "humanistes de bibliothèque".

A titre individuel, et au vu de la tournure de ces débats, je n’ai plus aucune illusion quant à l’avenir ni du SPPPI (M. Savall a précisé que ses séances avaient été ouvertes au public "en vertu de la situation particulière", et le resteraient encore seulement "quelques semaines"...), ni du débat régional ou national sur les risques industriels, et ce qui est nouveau ni sur la sincérité des verts dans leur raliement au collectif "plus jamais ça ni ici, ni ailleurs". Si quelques individus d’entre eux comme Henry Farreny montent au créneau pour autre chose que se satisfaire d’avoir tenu leur rôle dans un secrétariat sans pouvoir, mais sans pour autant adopter un regard nouveau sur ceux dont ils sont censés relayer la voix...Et si Jean-Pierre Bataille a droit de cité pour la raison invoquée par le Président du SPPPI, c’est à dire pour avoir été son élève en Chimie à Rangueil, et non parce qu’il exprime les griefs et les revendications d’au moins deux cent mille citoyennes et citoyens touchés par l’explosion de Grande-Paroîsse. C’est peut-être simple, mais j’additionne deux et deux et je ne perd plus mon temps avec ces simagrées.

Vers quoi allons-nous en effet ? vers d’autres catastrophes, faute de prendre l’exacte mesure d’une qui pourtant nous crève les yeux. Pire, on prête main aux pouvoirs publics qui engagent des moyens pour mieux maîtriser la réaction des populations la prochaine fois, et pas le moins du monde pour l’entendre aujourd’hui.

Je comprend les rires et sourires permanents du directeur de la SNPE durant l’essentiel des débats. Il a parfaitement raison de se sentir en toute sécurité, au vu de la largeur du consensus pour éviter de changer l’état des esprits.

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